LâostĂ©opathie est une profession rĂ©glementĂ©e. Bien quâelle ne soit pas reconnue comme une profession de santĂ© au sens strict du Code de la santĂ© publique (CSP), les ostĂ©opathes sont nĂ©anmoins considĂ©rĂ©s comme des professionnels du systĂšme de santĂ© appartenant au RPPS. Cela implique un niveau Ă©levĂ© de responsabilitĂ© et de rĂ©glementation.
En pratique, les ostĂ©opathes â ainsi que leurs Ă©tablissements de formation diplĂŽmants â sont soumis Ă un ensemble de rĂšgles juridiques, parfois issues de textes transversaux applicables Ă lâensemble des activitĂ©s de soins, de formation, ou de gestion des donnĂ©es. Voici un panorama des principales rĂšgles juridiques qui encadrent la profession.
1. RÚgles issues du Code de la santé publique
MĂȘme si les ostĂ©opathes ne sont pas inscrits comme profession de santĂ©, plusieurs dispositions du Code de la santĂ© publique (CSP) leur sont applicables directement ou indirectement.
đč Principes encadrant lâexercice
Article 75 de la loi n°2002-303 (CSP)
Le titre dâostĂ©opathe est protĂ©gĂ© par la loi. Pour lâexercer, il faut :
- ĂȘtre diplĂŽmĂ© dâun Ă©tablissement agréé par le ministĂšre de la SantĂ© ;
- respecter lâobligation de formation continue ;
- suivre les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) ;
- ĂȘtre enregistrĂ© auprĂšs des agences rĂ©gionales de santĂ© (ARS).
Décret n°2007-435 du 25 mars 2007
DĂ©finit les actes autorisĂ©s, les limites de la pratique et lâusage du titre dâostĂ©opathe.
Décret n°2016-994
Autorise le partage dâinformations de santĂ© avec d’autres professionnels du champ sanitaire, social et mĂ©dico-social.
Secret professionnel
Bien quâils ne soient pas membres dâun ordre, les ostĂ©opathes sont soumis au secret professionnel (CSP art.3.2002-303 et suivants, Code pĂ©nal art. 226-13 Ă 226-14).
đč ResponsabilitĂ© civile professionnelle (RCP)
Décret n°2014-1347
Imposant une assurance RCP avec un plafond de garantie minimal couvrant les dommages causĂ©s aux patients dans lâexercice professionnel.
đč Respect du champ de compĂ©tence
Articles L4161-1 Ă L4161-6 CSP
Les ostĂ©opathes doivent respecter les domaines rĂ©servĂ©s aux autres professions de santĂ©. Lâexercice illĂ©gal de la mĂ©decine, de la kinĂ©sithĂ©rapie, de la maĂŻeutique ou de lâinfirmerie est pĂ©nalement sanctionnĂ©.
Interdiction dâexercer des actes rĂ©servĂ©s (prescription, diagnostic, soins invasifsâŠ).
đč Droits des patients
Articles L1111-2 et suivants CSP
Tout patient a droit Ă :
- une information claire, loyale et appropriée sur son état de santé ;
- ĂȘtre informĂ© des actes pratiquĂ©s, des risques et alternatives ;
- donner un consentement libre et éclairé avant toute intervention.
2. RÚgles générales applicables aux ostéopathes
đč Une profession libĂ©rale
Les ostéopathes sont répertoriés comme professions libérales sous le code APE 8690F.
Article 29-1 de la loi n°2012-387 (loi Warsmann)
Les professions libérales assurent des prestations intellectuelles, techniques ou de soins exercées de maniÚre indépendante, sous leur responsabilité, dans le respect de principes éthiques.
LibertĂ© dâentreprendre
Reconnu par le Conseil constitutionnel (Décision n°81-132 DC), ce principe protÚge :
- le libre choix de profession ;
- la libertĂ© dâinstallation et dâexercice, sauf exigence dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral.
Pas de numerus clausus ni de conventionnement
- Aucune limitation du nombre dâinstallations.
- Aucun conventionnement avec lâAssurance Maladie.
Tarification libre, dans le respect des rĂšgles de droit de la consommation (transparence, affichageâŠ).
đč RGPD et donnĂ©es de santĂ©
En tant que responsables de traitement, les ostéopathes doivent :
- informer les patients sur lâusage de leurs donnĂ©es ;
- avoir un registre de traitements des données ;
- assurer la confidentialité et la sécurité des dossiers ;
- utiliser des logiciels agréés de santé ;
- déclarer toute violation de données à la CNIL sous 72h.
đč Concurrence et publicitĂ©
Les ostéopathes sont soumis :
- au droit de la concurrence loyale ;
- aux rĂšgles de publicitĂ© honnĂȘte (non mensongĂšre, non comparative de maniĂšre dĂ©loyale, sans confusion avec une profession mĂ©dicale).
đč Protection des personnes
Article 16 du Code civil protÚge :
- la vie,
- la dignité,
- l’intĂ©gritĂ© et la non-patrimonialitĂ© du corps humain.
3. Sanctions, infractions pénales et contrÎle des pratiques
Bien que les ostĂ©opathes ne soient pas soumis Ă une juridiction disciplinaire ordinale, ils peuvent ĂȘtre poursuivis civilement, pĂ©nalement ou administrativement.
đč Usurpation du titre
Article 433-17 du Code pénal
Lâusage illĂ©gal du titre dâostĂ©opathe est puni dâun an dâemprisonnement et de 15 000 ⏠dâamende.
đč Pratiques illĂ©gales et dĂ©lits connexes
- Exercice illĂ©gal dâune profession rĂ©glementĂ©e ;
- Escroquerie (facturation dâactes non rĂ©alisĂ©s) ;
- Abus de faiblesse (Code pénal art. 223-15-2) ;
- DĂ©lit de provocation Ă lâabandon ou Ă lâabstention de soins et un dĂ©lit à lâadoption de pratiques risquĂ©es pour la santé (LOI n° 2024-420 du 10 mai 2024)
đč Atteintes Ă lâintĂ©gritĂ© / violences sexuelles
Sanctionnées par le Code pénal (art. 222-22 et suivants) en cas :
- dâagressions sexuelles,
- dâatteintes Ă la pudeur ou Ă lâintĂ©gritĂ© physique ou morale du patient,
- dâabsence de consentement.
đč RĂ©pression des fraudes
La DGCCRF peut sanctionner :
- les pratiques commerciales trompeuses,
- les abus dans les mentions affichées ou les tarifs pratiqués.
4. RÚgles applicables aux établissements de formation
Les Ă©tablissements de formation en ostĂ©opathie sont des Ă©tablissements privĂ©s dâenseignement supĂ©rieur. Ă ce titre, ils relĂšvent dâune double rĂ©gulation : en tant quâacteurs de lâenseignement supĂ©rieur et comme prestataires de services payants.
đč LibertĂ© dâenseignement
Principe garanti par le Code de lâĂ©ducation (art. L731-1).
Les Ă©tablissements doivent ĂȘtre agréés par le ministĂšre de la SantĂ©.
đč AgrĂ©ment obligatoire
Décret n°2014-1043
DĂ©finit les conditions dâagrĂ©ment des Ă©tablissements (locaux, encadrement pĂ©dagogique, stages, effectifsâŠ).
đčDroit de la consommation
Les écoles doivent :
- afficher clairement les frais de scolarité ;
- éviter les clauses abusives dans les contrats ;
- informer clairement sur les débouchés professionnels et la validité du diplÎme.
đčMissions de service public
MĂȘme privĂ©es, certaines Ă©coles participent Ă une mission dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral en dĂ©livrant un diplĂŽme rĂ©glementĂ©, ce qui les engage Ă :
- respecter les exigences de qualité,
- collaborer avec les ministĂšres de tutelle.
5. Tutelle administrative : les ministÚres et leurs services déconcentrés
Lâexercice de lâostĂ©opathie ainsi que lâenseignement de cette discipline sont placĂ©s sous la tutelle de deux ministĂšres : le ministĂšre de la SantĂ©, des SolidaritĂ©s, et le ministĂšre de lâEnseignement supĂ©rieur et de la Recherche.
đč Pour les ostĂ©opathes : tutelle du ministĂšre de la SantĂ©
Les ostĂ©opathes relĂšvent du ministĂšre de la SantĂ©, qui fixe par voie rĂ©glementaire les conditions dâexercice de la profession (formation, titre, droits, limites, obligations) et assure la veille au respect de ces rĂšgles.
Au niveau national :
- La Direction gĂ©nĂ©rale de lâoffre de soins (DGOS) est lâadministration centrale chargĂ©e de dĂ©finir la politique dâoffre de soins et lâintĂ©gration des professions dans le systĂšme de santĂ©.
- LâInspection gĂ©nĂ©rale des affaires sociales (IGAS) exerce des missions dâaudit, dâinspection et de contrĂŽle. Elle peut ĂȘtre saisie en cas de dysfonctionnements graves au sein de la profession ou des Ă©tablissements.
Au niveau régional :
- Les Agences RĂ©gionales de SantĂ© (ARS) assurent un rĂŽle de rĂ©gulation, de contrĂŽle et dâagrĂ©ment :
- Instruction des dossiers dâagrĂ©ment des Ă©tablissements de formation,
- Suivi des pratiques professionnelles (conditions sanitaires, sécurité),
- ContrĂŽle de lâexercice illĂ©gal ou des dĂ©rives signalĂ©es.
Les ARS sont les interlocuteurs directs des professionnels pour toute question administrative, disciplinaire ou de signalement.
đč Pour les Ă©tablissements de formation : double tutelle SantĂ© / Enseignement supĂ©rieur
Les Ă©coles dâostĂ©opathie sont des Ă©tablissements privĂ©s dâenseignement supĂ©rieur technique, dĂ©livrant une formation reconnue par lâĂtat. Elles sont donc soumises Ă une double tutelle ministĂ©rielle :
MinistÚre de la Santé et de la Prévention :
- DĂ©livre lâagrĂ©ment quinquennal autorisant lâouverture et le fonctionnement dâun Ă©tablissement de formation en ostĂ©opathie.
- Ăvalue les programmes, locaux, encadrement, dispositifs de stage et effectifs.
MinistĂšre de lâEnseignement supĂ©rieur et de la Recherche (MESR) :
- En tant que ministĂšre de cotutelle, il assure une cohĂ©rence avec les standards de lâenseignement supĂ©rieur privĂ©, mĂȘme si le diplĂŽme dâostĂ©opathe ne confĂšre pas Ă lui seul un grade universitaire.
- Il encadre les aspects liés à la pédagogie, la qualité, les obligations de service public et le respect de la liberté académique.
Au niveau rĂ©gional, le MESR est reprĂ©sentĂ© par les rectorats dâacadĂ©mie, qui peuvent ĂȘtre associĂ©s aux inspections ou aux contrĂŽles, notamment sur les volets suivants :
- Communication institutionnelle,
- Clauses contractuelles dans les conventions de scolarité,
- Conformité avec les rÚgles du droit de la consommation.
Les Ă©tablissements doivent donc ĂȘtre en capacitĂ© de rĂ©pondre aux exigences de deux ministĂšres et de leurs services dĂ©concentrĂ©s, ce qui implique une gouvernance rigoureuse, une transparence administrative, et une qualitĂ© pĂ©dagogique vĂ©rifiable.
Pierre-Adrien LIOT